Le retour d'expérience des 8000 km de Cap Nord 2010
Avertissement : ce voyage a été réalisé avec le tricycle ICE QNT26. Donc, le retour d'expérience concernant le tricycle et ses composants, ne concerne que ce matériel là. Il serait abusif d'en déduire que tous les tricycles du marché peuvent présenter des faiblesses similaires.
Sans parler des crevaisons qui sont le lot de tout voyage un peu long, le matériel a été soumis à rude épreuve. La charge importante a conduit à de fortes contraintes sur la transmission dans les côtes et sur le rayonnage de la roue arrière dans les virages pris à grande vitesse. De plus, les pistes pavées en Belgique, en Hollande et en Allemagne ont soumis le matériel à des vibrations importantes pendant des durées assez longues, auxquelles il faut ajouter les secousses dues aux sauts de trottoirs qui, bien que surbaissés, font souvent plusieurs centimètres de hauteur.
Les roues
Les pneus et les chambres à air
Le jour de mon départ, tous les pneus étaient neufs. Le tricycle était équipé en pneus Schwalbe Big Apple 50-406 à l'avant et 50-559 à l'arrière. La remorque était équipée avec les pneus d'origine, des Kenda Kontact 47-406. J'avais transporté au fond de la remorque un jeu complet de pneus pour le tricycle, mais je n'avais rien prévu pour la remorque, pensant naïvement que sur la remorque ils s'useraient moins vite et que les pneus feraient le voyage.
Le bilan de l'usure est le suivant :
- Les pneus de droite, sur le tricycle autant que sur la remorque, s'usent davantage. C'est probablement du au mauvais était des revêtements sur les bas-côtés.
- La partie centrale de la bande de roulement de tous mes pneus était lisse et aplatie après 6500 km environ lorsque je les ai changés le 20 juin à Oldenburg en Allemagne.
- L'épaisseur restante sur les pneus Kenda de la remorque était extrêmement faible, guère plus qu'une feuille de papier à cigarette.
- L'épaisseur restante sur les Big Apple était très conséquente, probablement due au renfort en kevlar et à une plus grande dureté du caoutchouc. C'est pourquoi, je n'ai pas hésité à utiliser les pneus avant du tricycle, qui avaient déjà 6500 km et qui étaient lisses, pour remplacer les pneus Kenda de la remorque. Par contre, ça m'a obligé à retirer les garde-boues car la place restante était trop juste pour absorber le surplus en hauteur.
Il faut remarquer que les secousses sur la remorque étaient beaucoup moins fortes avec les Big Apple qui amortissent nettement mieux les chocs, tout en assurant un roulage efficace.
J'avais emmené une chambre à air de rechange pour chaque taille de pneu : une de 20 pouces et une de 26 pouces. J'ai dénombré huit crevaisons :
- la première le 16 avril sur la roue avant droite du tricycle, suite au passage violent dans un trou,
- la seconde le 19 avril sur la roue arrière du tricycle,
- la troisième le 26 mai sur la roue droite de la remorque,
- les trois suivantes le 19 juin, sur la roue gauche de la remorque (deux fois) et sur la roue avant droite du tricycle,
- la suivante le 24 juin sur la roue droite de la remorque,
- et la dernière en arrivant chez moi (restes de rosiers dans la cour) le 4 juillet sur la roue avant gauche du tricycle.
Cela fait en moyenne une crevaison tous les 1000 km. Hormis lors de la première crevaison où j'ai utilisé ma chambre à air de rechange, j'ai à chaque fois effectué la réparation sur le champ. La faible température et l'humidité ambiante n'ont jamais gêné la vulcanisation.
Les rayons
Le rayonnage des roues de 20 pouces, que ce soit sur le tricycle ou sur la remorque, a très bien tenu. J'ai simplement effectué la reprise d'un léger voilage de la roue gauche de la remorque lors de la révision générale effectuée après mon retour.
En raison de la charge des sacoches et de l'effort exercé par la remorque sur l'axe par l'intermédiaire de la fixation latérale, la roue arrière du tricycle est très sollicitée par des efforts latéraux d'une part lors des virages, en particulier ceux pris à grande vitesse, d'autre part lors des montées. Je n'ai eu à déplorer qu'un rayon cassé côté cassette. Je n'avais rien emmené pour réparer ça et j'ai roulé plus de 500 km avec le rayon cassé. A mon retour, la roue était un peu voilée, mais pas au point de m'empêcher de rouler.
La transmission
La chaîne
Lors de mon départ, la chaîne du tricycle avait déjà plus de 5000 km. Avec mon chargement conséquent (pas loin de 50 kilos avec la remorque), plus le poids du tricycle et mes 70 kilos, les efforts à encaisser par la transmission dans les côtes à plus de 10% sont énormes. J'avais prévu quelques maillons de rechange, mais en nombre limité. Après la première rupture survenue le 18 avril à Périers-en-Auge, j'avais utilisé tous mes maillons de rechange. Alors j'ai acheté une chaîne neuve à Fécamp, le 20 avril, ce qui me permettait au besoin de changer jusqu'à plus d'un tiers des maillons. Je m'en suis félicité le 25 avril lorsque, dans la côte à 12% à la sortie d'Escalles, la chaîne s'est de nouveau cassée. Ensuite, je n'ai plus eu de problème avec les maillons jusqu'au 21 mai à Holmsveden, en Suède, où j'ai dû changer à deux reprises plusieurs maillons qui avaient tendance à s'ouvrir. Après cette date, la chaîne n'a plus fait parler d'elle. Elle a encaissé parfaitement les nombreuses côtes de Norvège et celles du centre de la France. Je l'ai changée après 15 000 km.
La roulette
Le brin tendu de la chaîne du tricycle fait un angle pour passer sous le siège qui est plus bas que la ligne droite entre les plateaux et les pignons de la roue arrière. La transmission de l'effort au niveau de l'angle est assurée par une roulette en plastique montée sur roulement à bille. La fixation de la roulette sert également à tenir en place une pièce métallique sur laquelle sont fixés les tubes de protection dans lesquels passe la chaîne. Le roulement est maintenu solidaire de la roulette par un circlips inséré dans une gorge dans la roulette en plastique. L'ensemble est maintenu en place par une vis qui prend appui sur la face extérieure du roulement.
Cette conception est efficace pour encaisser les efforts normaux qui s'exercent de manière perpendiculaire à l'axe de la roulette. Par contre, tout effort latéral imprévu se traduit par un effort sur le circlips qui solidarise la roulette sur la cage externe du roulement. Celui-ci étant dans une gorge ménagée dans la roulette en plastique, c'est là que se produira la rupture qui conduira à faire sortir le circlips de sa gorge, libérant en même temps la roulette. C'est ce qui m'est arrivé à plusieurs reprises pendant le voyage au Cap Nord.
Le 19 avril, à Honfleur, en voulant démarrer depuis le bord du trottoir dans une rue très bombée, la chaîne se met en travers et se bloque. La roulette, au lieu d'être verticale est horizontale et la pièce métallique qui supporte les tubes de chaîne est toute tordue. Je remets tout en place en forçant un peu pour redresser sommairement la pièce métallique sous le regard ébahi des passants et j'arrive à redémarrer. Il me faudra refaire l'opération plusieurs fois avant d'avoir rejoint le camping, à 1 km de là, et la roulette tombera même sur la route. Au camping, j'ai redressé la pièce métallique et tout remis en place.
Le système n'a pas bougé jusqu'au 30 avril à Sneek, en Hollande, où j'ai eu le même problème à deux reprises. La seconde fois, j'ai retiré le tube avant, supposant que l'initiation du problème venait du tube. Ceci ne sera pas suffisant et j'ai eu de nouveau le problème le 1er mai, en pleine ville, à Groningen, en démarrant à un feu. La roulette gisait au milieu du carrefour. Heureusement il n'y avait pas trop de circulation et j'ai eu le temps de la récupérer et de me ranger sur le trottoir pour tenter de remettre tout ça en place. J'ai fini avec le doigt sur l'axe pour tenir la roulette en place. Le lendemain au camping de Groningen, le propriétaire du camping m'a trouvé une large rondelle qui, si elle n'a pas résolu le problème, a empêché la roulette de quitter l'axe. Cette solution s'avérera efficace car elle est restée en place jusqu'au remplacement de la roulette par une roulette Terracycle, longtemps après mon retour, et je n'ai pas eu de nouveau le problème, même après avoir remis en place le tube supérieur. Quoi qu'il en soit, la conception du système mériterait d'être revue par le constructeur du tricycle.
Les câbles
Tous les câbles étaient d'origine lorsque je suis parti le 3 avril. J'avais emmené un câble de frein et un câble de dérailleur de rechange. Ils n'ont pas été utilisés et ceux d'origine étaient toujours en place après plus de 17 000 km.
Par contre, les conditions particulières rencontrées sur les routes non goudronnées et sous la pluie en Suède, le dimanche 23 mai en particulier, ont conduit à des difficultés que je n'avais pas prévues. Ces routes non revêtues sont en terre battue avec une poussière très fine qui se dilue très bien dans l'eau quand il pleut. Après une journée à rouler - parfois vite en descente - dans ces conditions, l'eau, chargée de cette poussière en suspension a pénétré partout et en particulier dans les gaines des câbles de frein et de dérailleur. Tout se passait à peu près normalement tant que c'était mouillé. Par contre, quelques jours après, quand le liquide contenu dans les gaines a séché, il s'est formé une pâte qui a quasiment bloqué le câble dans la gaine. Il était ainsi très difficile de changer de pignon, le plus dur étant bien sûr de remonter sur les pignons les plus grands.
Pour résoudre le problème, j'ai d'abord tenté de lubrifier la gaine sans sortir le câble en pulvérisant de l'huile sur les entrées de gaine avec la bombe achetée en Hollande le 28 avril. Ceci n'a pas été suffisant, même si j'ai pu noter une amélioration provisoire. J'ai été obligé de démonter le câble du dérailleur, de le sortir de la gaine et de pulvériser de l'huile par un bout de la gaine. A l'autre bout est sorti un jus noir qui a éliminé toutes les impuretés bloquées à l'intérieur. J'ai eu la chance de pouvoir remonter le câble d'origine sans trop de difficultés, bien qu'il soit un peu effiloché au bout. Pour les câbles de frein, le problème était moins important et la pulvérisation sans démonter le câble a été suffisante. Tous les câbles d'origine étaient encore en place après plus de 17 000 km.
La remorque
Avec son grand volume de chargement grâce au coffre fabriqué maison, la remorque a bien rendu le service attendu. Le point fragile se trouve au niveau de l'attelage qui m'a apporté quelques soucis.
La fixation de l'attelage au moyeu m'a posé des problèmes dès le début du voyage. C'était assez bruyant en raison du jeu entre la goupille de verrouillage et la patte fixée au moyeu du tricycle. En plus, après une quinzaine de jours, la goupille commençait à être sérieusement matée. Pour résoudre le problème, j'ai d'abord inséré dans l'interstice différents bouts de bois taillés au couteau. Malheureusement, ceux-ci n'ont pas survécu très longtemps aux à-coups répétés, quand ils n'étaient pas purement et simplement perdus. J'ai fini par couper 2 cm du tube de mon camel-back que j'ai mis autour de la goupille pour absorber le jeu. Cette solution a marché pour tout le reste du voyage.
Il m'a fallu aussi plusieurs fois resserrer toute la boulonnerie de l'attelage, notamment le contre-écrou qui n'était pas très bien serré à l'origine et qui avait pris du jeu. J'en ai profité à plusieurs reprises pour faire un nettoyage après un démontage complet.
A plusieurs reprises, j'ai été ennuyé par les grincements au niveau de l'attelage. Régulièrement, j'ai mis un coup de bombe à huile sur l'ensemble. Normalement, ces pièces en frottement auraient du être graissées à l'origine, ce qui n'était pas le cas.
Les effets des vibrations et des chocs
La Belgique, la Hollande et l'Allemagne sont de véritables paradis pour circuler à vélo. Il y a des pistes cyclables à peu près partout en dehors des routes très peu fréquentées. Par contre, dans les villes et parfois même hors de ces dernières, le revêtement est constitué de pavés plats qui induisent des vibrations et qui, parfois, ont bougé suffisamment pour transformer la piste en succession de creux et de bosses. De plus, dans ces pays, les pistes cyclables sont sur les trottoirs et il faut passer un petit seuil de 4 à 5 cm chaque fois qu'on traverse une rue, c'est à dire très souvent. Il est probable qu'un tricycle tout suspendu encaisserait mieux une telle configuration.
Les vibrations ont conduit au dévissage de certains composants, en particulier les roues du tricycle qu'il m'a fallut resserrer plusieurs fois. J'ai déjà également parlé du dévissage des pièces de l'attelage de la remorque.
Lors de la révision générale après mon retour, j'ai retrouvé le crochet d'attelage cassé. Il était encore efficace, mais l'anneau dans lequel passe l'axe de la roue présentait une fissure traversante complète. C'est probablement la conséquence des multiples chocs encaissés lors des sauts de trottoirs et dans les ornières.
J'ai appris récemment que le constructeur propose un autre système d'attelage en élastomère qui absorbe les chocs et limite la transmission des vibrations entre la remorque et le cycle qui tire. C'est le Lollypop hitch. C'est un peu cher, mais je pense que le confort est au rendez-vous. Le retour des utilisateurs est très positif. J'ai fini par acquérir ce nouveau système et j'ai pu l'éprouver lors du tour du Massif Central en 2011. Il résout bien tous les problèmes rencontrés sur l'attelage.
Les à-coups encaissés lors du saut des trottoirs ont aussi conduit à des difficultés. A deux reprises, la roue arrière du tricycle, fixée par une attache rapide, s'est carrément sortie du cadre du côté de l'attelage. Je m'en suis rendu compte quand je n'arrivait plus à trouver la bonne position pour les vitesses car la roue était de travers. L'effort supplémentaire apporté par l'attelage de la remorque y est certainement pour quelque chose. Je pense qu'une fixation à axe boulonné aurait été plus sûre car elle aurait permis un serrage plus fort. De plus, l'axe de la fixation rapide de la roue est beaucoup plus petit que la dimension du trou du crochet d'attelage, ce lui qui donnait la possibilité de bouger lors des fortes sollicitations. J'ai, depuis mon retour, ajouté une bague réductrice qui maintient le crochet centré.
Un autre effet inattendu des sauts de trottoirs s'est produit sur mon parcours de retour en Allemagne à Wardenburg le 21 juin. En passant un trottoir, l'axe de la roue gauche de la remorque s'est carrément désolidarisé de la structure. L'axe est maintenu en place par deux billes qui entrent dans un logement dans le châssis aluminium de la remorque.
Bien que la remorque venait d'être équipée des pneus Big Apple qui fournissent un meilleur amortissement, le choc a été assez violent pour appuyer sur les deux billes à la fois et sortir l'axe. Je me suis aperçu de l'anomalie car la roue, qui ne tenait plus en place que par le bout de l'axe, frottait sur le côté de la caisse. J'ai simplement remis tout en place et ça a tenu pour le reste du voyage.